samedi 13 janvier 2018

"Moi aussi, je voulais l'emporter" (Julie Delporte)


Depuis que je l'ai découverte avec son "Journal", j'adore le travail de Julie Delporte, ses dessins aux crayons de couleur faussement maladroits et sa manière de raconter pudiquement des choses très intimes. Sa nouvelle bédé parle de féminisme, ce qui ne pouvait pas mieux tomber dans le contexte actuel, entre le mouvement Time's Up triomphant et l'odieuse tribune sur la "liberté d'importuner". De Bruxelles où elle essaie de faire un enfant puis se ravise, craignant de se retrouver enfermée dans le rôle de mère, jusqu'à Montréal qui est son port d'attache, en passant par Helsinki où elle part sur la trace de Tove Jansson (la créatrice des Moomins et un des rares modèles féminins forts à ses yeux), l'auteure se remémore l'agression sexuelle dont elle fut victime enfant et le silence familial qui entoura l'événement. Elle repense à la façon dont, enfant, elle s'est toujours sentie floué d'être une fille, notamment à cause de cette fichue règle de grammaire qui veut que le masculin l'emporte sur le féminin (d'où le titre de l'album). Elle s'interroge sur la représentation des femmes - leur absence dans la sélection du festival d'Angoulême ou parmi les artistes d'une exposition, alors que c'est si souvent leur corps qui est mis en scène. Elle se rebelle contre l'idée d'être aliénée au désir des hommes, considérée comme finie dès lors qu'elle ne le suscitera plus. Au fur et à mesure de sa prise de conscience, elle en vient à se demander si elle pourra encore avoir un amoureux. "Quel homme va supporter une féministe? Quel homme vais-je pouvoir supporter?" Une réflexion personnelle pleine de sensibilité, d'émotion et de justesse. 

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