mardi 16 janvier 2018

"Les cuisines du Grand Midwest" (J. Ryan Stradal)


Sa mère s'est enfuie en l'abandonnant alors qu'elle n'avait que quelques mois; peu de temp après, son père a été tué par une crise cardiaque. Eva Thorvald est adoptée par son oncle et sa tante, qui ne lui diront jamais qu'ils ne sont pas ses vrais parents. Très tôt, elle manifeste un palais exceptionnel et des dons stupéfiants pour la cuisine...

Si c'est bien le parcours hors du commun d'Eva que raconte J. Ryan Stradal, il le fait, à une exception près, toujours à travers les yeux d'autres gens. Centré sur un aliment ou un plat spécifique, chaque chapitre est narré du point de vue d'un membre de l'entourage de la jeune femme, et souvent, cette dernière n'y fait qu'une brève apparition. 

Du coup, pour le lecteur comme pour le grand public, elle reste perpétuellement cette célébrité insaisissable dont on ne sait jamais ce qu'elle pense ou ce qu'elle ressent. Faute de bien la cerner (oui, OK, elle est passionnée de bouffe, mais quoi d'autre?), on peine à s'attacher à elle. 

Néanmoins, pour frustrante qu'elle semble par certains côtés, la construction du roman permet de visiter toutes les classes de la société américaine et d'avoir un aperçu intéressant de leurs rapports respectifs à la nourriture. J'ai beaucoup aimé le personnage de la femme au foyer de la classe ouvrière, effarée de découvrir lors d'un concours de pâtisserie que les aliments traditionnels qu'elle utilise sont désormais considérés comme du poison violent!

J'ai apprécié aussi le dernier chapitre qui réunit la plupart des protagonistes et récapitule les étapes marquantes de la vie d'Eva au cours d'un dîner mémorable - lequel s'achèvera, non par une résolution facile, mais par un point d'interrogation plus subtil du point de vue littéraire. En somme, il ne faut pas voir "Les cuisines du grand Midwest" comme un roman classique racontant l'histoire d'une femme, mais plutôt comme un recueil de nouvelles tournant autour du même thème et reliées entre elles par un fil rouge pas si épais. 

Traduction de Jean Esch (pour ma part, j'ai lu ce livre en V.O.)

1 commentaire:

  1. Lu, dévoré et fini :)
    Le résumé est assez trompeur (comme souvent) mais heureusement, on comprend assez vite qu'on n'aurait pas vraiment le point de vue d'Eva.
    Malgré tout, j'ai trouvé ce roman vraiment habilement construit et ne l'ai pas vu comme une collection de nouvelles. C'est malin de la part de l'auteur, dont c'est le premier ouvrage, de s'être lancé dans différents styles littéraires. J'ai notamment bien aimé le compte-rendu de la journée folle de Braque et, comme toi, les fameuses barres aux céréales de Pat Prager au beurre de lait de vache, au gluten, aux OGM et aux pesticides :D
    Et si je n'aurais pas été contre explorer un peu plus chaque personnage, je suis plutôt satisfaite de la fin, aucunement moralisatrice. Seules les portions minuscules du fameux dîner m'auraient rendue folle, comme Wali Ros.

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