mardi 6 septembre 2016

"Les bottes suédoises" (Henning Mankell)


Il y a quelques années, j'avais lu et beaucoup aimé "Les chaussures italiennes" malgré un sujet difficile. "Les bottes suédoises" reprend l'histoire de Fredrik Welin, ex-médecin atrabilaire, égoïste, menteur et manipulateur trois ans après le décès d'Harriet. Il vit toujours sur sa petite île au large des côtes suédoises lorsqu'une nuit, il est réveillé par un terrible incendie. Il parvient à sortir vivant de sa maison mais perd dans les flammes absolument tout ce qu'il possédait.

A plus de 70 ans, il n'entretient que des relations téléphoniques brèves et frustrantes avec sa fille Louise, donc il a découvert l'existence tardivement; comme il ne s'est jamais marié et n'a cherché à cultiver aucune amitié, il se demande quel sens sa vie possède encore et si cela vaut bien la peine de tenter de rebâtir quoi que ce soit. Mais la rencontre d'une journaliste beaucoup plus jeune va lui donner l'espoir de connaître un dernier amour tandis que, soupçonné par la police d'avoir mis le feu lui-même pour toucher l'assurance, il s'efforce de comprendre ce qui s'est réellement passé le soir de l'incendie...

Je serais bien incapable de dire ce qui me fascine à ce point dans les récits qui se déroulent sur des îles suédoises isolées et glaciales. C'est déjà la raison pour laquelle j'avais adoré le premier tome de "Millenium", plus encore que pour le personnage de Lisbeth Salander. Dans "Les chaussures italiennes", j'avais presque regretté que l'histoire emmène Fredrik loin de son archipel. Dans "Les bottes suédoises", il le quitte aussi, mais plus brièvement, et cette fois encore, cela lui permet de redonner un sens à sa vie. Tout le talent d'Henning Mankell consiste à nous intéresser au sort d'un héros antipathique confronté à l'enjeu si affreusement banal (et déprimant...) d'une vieillesse solitaire. Un moment, "Les bottes suédoises" prend même une atmosphère un peu angoissante de roman policier en milieu clos, dont le dénouement devrait laisser perplexe mais fonctionne pourtant très bien. Ce sera le dernier roman de l'auteur, décédé à l'automne dernier avant même d'atteindre l'âge de son protagoniste. Il manquera à la littérature.

"J'aurais aimé que Louise n'ait pas ce tempérament colérique. Dans mon expérience, le fait de s'énerver ne facilite jamais rien. Mais c'est apparemment un besoin chez elle. Revendiquer son droit est plus important que trouver une solution." 

"J'ai bien peur de nourrir, au fond de moi, une sorte de ressentiment désespéré vis-à-vis de ceux qui vont continuer de vivre alors que je serai mort. Cette impulsion m'embarrasse autant qu'elle m'effraie. Je cherche à la nier, mais elle revient de plus en plus souvent à mesure que je vieillis. Je me demande si les autres ressentent la même chose. Je l'ignore, et je n'ai aucune intention d'interroger qui que ce soit, mais cette jalousie est ma part d'ombre la plus obscure." 

"C'était toujours une sensation de liberté que d'arriver là à la fin des classes. Une liberté qui, avec le recul, me paraissait incompréhensible. Cet enfant-là et l'adulte que j'étais devenu étaient-ils vraiment la même personne? Ou existait-il entre nous une distance infranchissable?"

2 commentaires:

  1. J'adore Henning Mankell, comme tu dis c'est une grande perte pour la littérature. Par contre je ne connais que ses polars, mais j'ai très envie de découvrir ses autres romans.

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    1. Je ne peux que te conseiller "Les chaussures italiennes", sachant toutefois que ça n'est pas une lecture youpi-youplaboum ^^

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