mardi 25 juin 2013

"Les lisières"


Tout semble pousser Paul Steiner aux lisières de sa propre existence: sa femme l'a quitté, ses enfants lui manquent, son frère l'envoie s'occuper de ses parents, son père ouvrier s'apprête à voter FN et un tsunami ravage le Japon, son pays de coeur. De retour dans la banlieue de son enfance, il n'aura d'autre choix que de se tourner vers son passé pour comprendre le mal-être qui le ronge. Comment devient-on un inconnu aux yeux de ses proches? Comment trouver sa place dans un monde devenu étranger? 

La quatrième de couverture aurait dû me mettre la puce à l'oreille: "Les lisières" ne s'annonçait pas comme un feel-good book. Et de fait, le narrateur est un type plutôt antipathique, écrivain nombriliste, intellectuel de gauche au jugement péremptoire, dépressif chronique qui ne parvient à s'impliquer dans rien, spectateur de sa propre vie. Ce qui sauve le roman, c'est d'une part son absence totale de complaisance vis-à-vis de lui-même, d'autre part le fait que ses analyses sont toujours très justes - d'une lucidité douloureuse quand il dissèque son propre fonctionnement, d'un bien-fondé irréfutable lorsqu'il parle classes sociales et crise économique. Tout le talent d'Olivier Adam consiste à mélanger les deux sujets de manière inextricable, dans un style prenant qui m'a fait dévorer presque d'un trait une autofiction de 500 pages au climat globalement plombant. Si vous aimez la littérature du très intime; si rien ne vous fascine autant que de plonger dans la psyché d'un personnage pour en explorer jusqu'aux recoins les moins joyeux, "Les lisières" est fait pour vous. 

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